EuRobotics (European Robotics Coordination Action) est un ambitieux programme de recherche financé par le 7e programme-cadre de l’Union Européenne. Son objectif est de favoriser le développement de la robotique en Europe.
Dans le cadre de ce projet, le rapport D3.2.1 portant sur les aspects éthiques, juridiques et sociétaux de la robotique publié le 31 décembre 2012 (1) a pour vocation d’examiner les questions éthiques, juridiques et sociétales liées à la robotique. Ce rapport, ainsi que son annexe intitulée « Proposition pour un Livre vert sur des aspects juridiques de la robotique » (2), constituent le livrable D3.2.1 du projet euRobotics.
Livre vert. Sans être exhaustif, le livre vert constitue une des premières études portant sur le droit de robots en Europe. Son objectif est de stimuler les débats et lancer un processus de consultation, au niveau européen, portant sur le droit des robots. Il pourrait constituer le document préparatoire à l’élaboration d’un « livre blanc ».
Enjeux juridiques. Le livre vert sur les aspects juridiques de la robotique identifie plusieurs enjeux juridiques liés à la robotique, comme par exemple :
- la sécurité des robots particulièrement pour leur utilisation dans les lieux de travail ;
- la commercialisation des produits « robot » sur le marché européen et international ;
- la titularité des droits de propriété intellectuelle : qui est le titulaire des droits de la propriété intellectuelle quand un robot crée une œuvre ou fait une nouvelle invention ?
- la responsabilité et la personnalité des robots est un point crucial notamment pour les robots autonomes et cognitifs capable d’interagir avec leur environnement.
Droits de la propriété intellectuelle. S’agissant des droits de la propriété intellectuelle, les schémas juridiques actuels du droit de la propriété intellectuelle au niveau européenne sont basés sur le fait que les ordinateurs sont les outils inertes et leurs créations sont donc exclus de la protection au titre du droit d’auteur. Cependant, les technologies basées à l’intelligence artificielle ont avancé rapidement au point que les agents intelligents n’assistent plus les humains dans la création des œuvres, mais sont également capable de réaliser des œuvres de l’esprit eux-mêmes de façon autonome. En conséquence, la question de la protection et de l’exploitation des œuvres de l’esprit réalisées par des robots, qui reste ouverte pour l’instant, devrait être tranchée par les législateurs européens et nationaux dans un avenir proche.
Droit du travail. La législation du travail en Europe n’est pas harmonisée car elle reste encore très influencée par la législation nationale ou la jurisprudence de chaque Etat-membre. S’agissant plus particulièrement de la possibilité d’utiliser un robot dans les lieux du travail en Europe, le livre vert identifie notamment les axes suivantes :
- des informations appropriées doivent être fournies par l’employeur à l’opérateur du robot au sujet du danger résultant du robot et aux conditions de son utilisation raisonnable ;
- le robot doit faire l’objet des contrôles techniques régulières pour garantir le fonctionnement correct de ses capteurs et son exploitation dans des conditions de sécurité optimales ;
- comme sera certainement le cas pour les voitures autonomes, une boîte noire pourrait être intégrée dans le robot afin de fournir des informations sur les circonstances d’un accident.
Protection des données à caractère personnel. Pour les auteurs du livre vert sur les aspects juridiques de la robotique, la collecte et le traitement des données personnelles ne présente pas de caractère propre à la robotique. En conséquence, il ne semble pas nécessaire actuellement d’élaborer un code de conduite sur la protection des données à caractère personnel dans le domaine de la robotique.
Droit pénal. L’harmonisation du droit pénal au niveau européen reste un long chantier, même si le Traité de Lisbonne pourrait en constituer la pierre angulaire. Le livre vert identifie les principes communs du droit pénal en Europe qui pourraient s’appliquer à la robotique. Actuellement, le robot ne peut pas être pénalement responsable. Cependant, à l’instar de la responsabilité civile, d’autres personnes pourraient être considérées comme responsables en cascade du fait des infractions commises par un robot, comme par exemple son constructeur, son développeur, le vendeur ou son utilisateur.
Responsabilité civile des robots. Malgré quelques tentatives d’harmonisation (3), le régime de la responsabilité civile reste en grande partie régi par les législations nationales des Etats-membres.
S’agissant de la responsabilité civile contractuelle des robots, le livre vert considère que la législation existante, au niveau européen et vraisemblablement au niveau national, ne semble pas devoir faire l’objet de réformes. Selon les auteurs du livre vert, le robot peut ainsi être considéré comme produit simple faisant l’objet d’un contrat de vente entre le vendeur/fabricant et l’acheteur/utilisateur.
En outre, ils considèrent que le robot pourrait être considéré comme un « bien de consommation » permettant ainsi à son acheteur de bénéficier de diverses garanties et de recours offerts au consommateur en cas de défaut de conformité du produit acheté.
S’agissant de la responsabilité civile délictuelle, les auteurs du livre vert distinguent deux situations :
- dans le premier cas, un robot cause un dommage du fait d’un défaut de fabrication :
– la directive n°85/374 sur la responsabilité du fait des produits défectueux établit le principe de la responsabilité objective (responsabilité sans faute) du fabriquant en cas de dommages provoqués par un produit défectueux ;
- dans le deuxième cas, un robot cause un dommage dans le cadre de ses interactions avec des humains dans un environnement ouvert :
– les robots de nouvelle génération sont dotés de capacité d’adaptation et d’apprentissage et en conséquence leur comportement présente un certain degré d’imprévisibilité ;
– en conséquence, le régime de la responsabilité du fait des produits défectueux ne semble plus approprié.
Or, en l’absence de règle ad hoc applicable à la responsabilité délictuelle des robots cognitifs, le cadre juridique applicable pourrait s’inspirer, selon les auteurs du livre vert, des régimes traditionnels suivants :
- la responsabilité du fait des animaux ;
- la responsabilité des parents, si on assimile les robots cognitifs aux enfants.
En outre, une autre solution proposée par les auteurs du livre vert serait de prévoir un code de conduite éthique applicable aux robots cognitifs.
Personnalité morale des robots. Pour les auteurs du livre vert euRobotics, les robots ne peuvent pas et ne devraient pas, au moins pour le moment, avoir le statut juridique des humains. En outre, il n’est pas encore possible de définir une catégorie juridique spécifique pour des robots.
Toutefois, les robots pourraient être dotés dans l’avenir d’une « personnalité électronique » inspirée de la « personnalité morale » des sociétés, ce qui signifie que les robots pourraient avoir de droits et de responsabilités juridiques et financières. Par ailleurs, dans certains pays de l’Union européenne, les sociétés personnes morales peuvent être pénalement responsables.
En pratique, l’adoption de la « personnalité robot » signifierait que chaque robot devrait s’inscrire dans un registre public (équivalent au registre de commerce et des sociétés) et obtiendrait ainsi sa « personnalité robot » au moment de cet enregistrement.
Dans ce cadre, l’harmonisation de la législation européenne dans les domaines identifiés par le livre vert favoriserait les solutions et favoriserait développement de la robotique en Europe.
Elena Roditi, Avocat
Présidente de la commission « Voiture Intelligente » de l’association
(1) euRobotics – D3.2.1 Ethical Legal and Societal issues in robotics dated 31 12 2012.
(2) euRobotics – Suggestion for a green paper on legal issues in robotics dated 31 12 2012 (contribution to deliverable D.3.2.1 on ELS issues in robotics).
(3) Cf. Principles of European Contract Law (PECL) et European Civil Code project proposed by the Commission on European Contract Law.
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